Le Courrier de l’Atlas, magazine nord-africain en Français, a
récemment publié un article sur les salafistes en Tunisie, décrivant qui
sont-ils et ce qu’ils veulent.
Bien que les salafistes y sont un petit groupe minoritaire, ils
sont extrêmement actifs et menacent les libertés individuelles du pays. Dans un
affrontement entre les forces de sécurité tunisiennes et des djihadistes armés
au début du mois de février, plusieurs officiers ont été blessés, deux des
assaillants ont été tués et un troisième a été capturé. De nombreuses
arrestations ont suivi.
Le salafisme est désormais
un nouveau sujet politique sur la scène tunisienne et est en concurrence pour
le pouvoir avec les Frères musulmans, déjà affiliés au parti Ennahda au
pouvoir. Les salafistes considèrent ce parti comme un mouvement qui est
« trop modéré » et aimeraient faire appliquer leur vision de l’islam
en Tunisie.
Voici quelques extraits de
l’article du Courrier de l’Atlas :
Qu’est-ce que le salafisme ?
Les salafistes se font appeler
« ahl assunna waljamaâa ». Par là, ils entendent qu’ils sont les
tenants fidèles de la tradition (définie ci-dessus) et de la jamaâa,
c’est-à-dire la communauté soudée. Ils ne reconnaissent d’ailleurs que trois
sources de droit : le coran, la sunna (ou tradition prophétique) et
« al ijmaâ » ou consensus. Ce consensus est bien sûr limité aux vrais
musulmans, c’est-à-dire les autres salafistes. Dans la pratique, c’est le
consensus des seuls leaders salafistes car la grande masse des fidèles n’est
pas consultée.
Ils invoquent à cet égard un autre
hadith prêté au prophète et selon lequel : « les juifs se sont
divisés en 71 communautés, les chrétiens en 72 et les musulmans vont se diviser
en 73 communautés, dont une seule échappera à l’enfer, celle qui s’en tiendra à
la stricte imitation de ce que je fais ».
En gros, les salafistes estiment donc
que la norme édictée il y a douze à quinze siècles dans des circonstances
particulières et en un lieu particulier, est bien valable en tous temps et en
tous lieux et qu’elle doit être appliquée. C’est ce qu’ils appellent la chariâa
de Dieu, qui selon eux comprend les châtiments corporels, la polygamie,
l’inégalité hommes-femmes… et qui distingue un seul type d’humanité : les
vrais musulmans.
L’un de leurs pires ennemis est
l’innovation (bed’aa). En font partie les festivités du mouled, le culte
des saints ou encore la démocratie. La musique (sauf le chant religieux), le
cinéma, la danse, les arts plastiques, la scultpture sont déclarés illicites.
Pour se faire une petite idée de ce qu’est la société salafiste, il suffit de
voyager ou de se documenter sur l’Arabie Saoudite, l’Afghanistan des Talibans
ou la Somalie des Shebab.
Pour eux, la seule solution au retard
actuel des musulmans est le retour à la pureté des origines.
Leurs convictions les mettent aux
antipodes des droits humains tels qu’on les entend de nos jours et d’ailleurs,
ils récusent totalement ce concept. Leur communauté est marquée par la stricte
réclusion des femmes (qui ne peuvent sortir qu’en niqab), par un mode de vie
extrêmement rigoriste et également par une grande générosité et un altruisme
remarquable dans les rapports entre « vrais » musulmans avec une
entraide de tous les instants. C’est donc une communauté soudée et fortement
solidaire.
Qui sont-ils, combien sont-ils en
Tunisie ?
Il n’y a pas d’étude récente. Il y a
quelques années, ils étaient estimés à quelques centaines, 1.200 au maximum
selon des chercheurs. Aujourd’hui, il est difficile de faire une évaluation,
mais ils sont devenus nombreux et visibles. Ils disposent de nombreuses pages
sur facebook, ce qui permet une estimation grossière de leurs troupes.
Par exemple, Bechir Ben Hassan, l’un
des principaux leaders salafistes tunisiens, réunit près de 60.000 fans sur sa
page. Celle de Khatib Idrissi, 13.000 fans. D’autres pages ont 5.000 fans et
plus. Ces pages sont nombreuses, plusieurs dizaines. Sur cette base, on peut
penser qu’ils sont plus de 100.000 désormais entre activistes et sympathisants,
car on peut penser qu’un grand nombre d’entre eux ne fréquente pas le net.
Quels sont leurs plans d’avenir ?
Ils ont un boulevard devant eux car le contexte régional
et international leur est favorable et les nombreuses chaînes satellitaires
salafistes leur préparent le terrain :
-ils vont continuer à accuser Ennahdha de compromissions,
voire d’apostasie pour attirer vers eux les courants littéralistes qui militent
à l’intérieur de ce parti ;
-ils vont poursuivre leur offensive en direction des mosquées
qui seront de plus en plus nombreuses à être contrôlées par eux ;
-ils lanceront une ou plusieurs chaînes de télévision de
salafisme tunisien de prédication, débordant complètement Ennahdha sur son
flanc religieux ;
-certains courants auront la tentation de se constituer en
parti politique comme l’a fait en Egypte le groupe d’Alexandrie qui a donné
naissance au parti Nour. Ce parti a raflé plus du quart des sièges à
l’assemblée égyptienne.
Rached Ghannouchi a imputé
aux laïcs l’émergence du salafisme et les a rendus responsables de l’absence de
culture religieuse dans le pays, ce qui pousse les jeunes salafistes à inviter
des prédicateurs étrangers. Ghannouchi, qui tenait une conférence de presse,
jeudi 23, a rappelé que les tous les musulmans sont quelque part salafistes en
ce sens où ils demeurent nostalgiques de la pureté de l’islam des salaf. Il a
tenu cependant à condamner le recours des salafistes à la violence.
Est-ce bien suffisant ?
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